Une étude inédite, publiée dans le journal LeMonde du 28 novembre 2020, suggère que les particules fines sont dangereuses en raison de leur potentiel oxydant et pas seulement de leur quantité dans l’air :
Plusieurs agglomérations et régions de France sont confrontées depuis quelques jours à des pics de pollution. A Paris, Lyon, Bordeaux ou encore Lille, les niveaux de particules fines PM10 (inférieures à 10 micromètres de diamètre) dans l’air ont dépassé, et parfois très largement, les limites recommandées pour protéger la santé des populations, à savoir 50 microgrammes par mètre cube (µg/m3 ) en moyenne journalière. Et comme à chaque épisode de pollution, les autorités sanitaires et préfectorales recommandent d’éviter les activités physiques intenses, de privilégier les transports en commun à la voiture, et de renoncer aux feux de cheminée ou aux épandages d’engrais pour les agriculteurs… tant que les niveaux de pollution ne sont pas revenus en dessous des normes. Lire aussi: En Europe, trois citadins sur quatre respirent un air dangereux pour la santé Abaissement de la vitesse de 20 km/h, interdiction de circulation des véhicules les plus anciens sur la base des vignettes Crit’Air… Toutes les mesures visant à réduire les émissions sont prises aujourd’hui au-delà d’un certain seuil de concentration massique de particules dans l’air. Une étude européenne coordonnée par l’Institut Paul-Scherrer (Suisse) et publiée le 18 novembre dans la revue Nature ouvre la voie à une petite révolution. Elle montre que cette approche fondée uniquement sur la quantité de particules fines respirée n’est pas suffisante et suggère la prise en compte d’un nouvel indicateur pour mesurer leur impact sanitaire : leur potentiel oxydant, c’est-à-dire leur capacité à attaquer les cellules. Augmentation du risque de maladies pulmonaires.
« Certaines particules fines génèrent un stress oxydatif dans les poumons pouvant conduire à endommager les cellules et les tissus du corps humain », résume Gaëlle Uzu, biogéochimiste de l’atmosphère à l’Institut de recherche pour le développement et coautrice de l’étude. Les chercheurs ont exposé des cellules des voies respiratoires humaines à des échantillons de particules fines afin de vérifier leur réaction biologique.
Leurs résultats montrent que, par une série de réactions inflammatoires, les lésions oxydatives provoquées par les particules augmentent le risque de maladies pulmonaires mais aussi cardio-vasculaires. Aujourd’hui, le consensus scientifique attribue la nocivité des particules fines à leur taille, selon un principe simple : plus elles sont petites, plus elles sont dangereuses car elles pénètrent plus profondément dans l’organisme.« LA FIN PROGRAMMÉE DES VÉHICULES THERMIQUES NE RÉGLERA PAS LE PROBLÈME DES ÉMISSIONS DIFFUSES », GAËLLE UZU, BIOGÉOCHIMISTE
Deuxième découverte de l’étude : toutes les particules n’ont pas le même potentiel oxydant. Celui-ci dépend de leur composition chimique et donc de leur source d’émission. Ainsi, selon la classification opérée par les chercheurs, les plus toxiques sont celles issues de la combustion de la biomasse (essentiellement le chauffage au bois) et du trafic routier.
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Et concernant ce dernier, autre surprise, ce ne sont pas les gaz d’échappement qui ont le potentiel oxydant le plus élevé mais les particules produites par l’usure des freins et des pneus. Celles-ci comportent de nombreux métaux : cuivre, manganèse, étain, antimoine, zinc… Or des études américaines ont établi que le cuivre et le manganèse, particulièrement, étaient des déterminants très forts du potentiel oxydant. Une découverte qui a de quoi remettre en cause quelques certitudes : il ne suffira pas de remplacer les vieilles voitures diesel et essence par des modèles électriques pour en finir avec la pollution en ville. « La fin programmée des véhicules thermiques ne réglera pas le problème des émissions diffuses », confirme Gaëlle Uzu. Aussi les chercheurs proposent quelques pistes concrètes pour les atténuer comme réduire la teneur en cuivre des plaquettes de frein. Lire aussi: Pollution de l’air : la France renvoyée à nouveau devant la justice européenne Les auteurs de l’étude ont également cherché à identifier les zones présentant le potentiel oxydant le plus élevé tout au long de l’année en Europe. Sans surprise, il s’agit des grandes agglomérations comme Paris ou la vallée du Pô dans le nord de l’Italie. Les auteurs estiment que les particules que respirent les urbains sont jusqu’à trois fois plus toxiques que celles qu’inhalent les ruraux, constituées, elles, essentiellement de minéraux et d’aérosols inorganiques tels que le nitrate ou le sulfate d’ammonium utilisés en agriculture.« Ne plus encourager le chauffage au bois »
« Nous pouvons tirer deux enseignements importants de cette étude, commente Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l’Inserm et spécialiste des questions de pollution de l’air. Le premier est que les pouvoirs publics doivent accentuer la lutte contre les émissions du trafic routier au sens large, le second est qu’ils ne doivent plus encourager le développement du chauffage individuel et des centrales collectives au bois. »
Un avis partagé par les médecins et scientifiques du collectif Air-Santé-Climat dont fait également partie le radiologue Thomas Bourdrel : « Alors que tous les articles scientifiques convergent pour dire que les particules de combustion notamment du bois et de la biomasse sont les plus toxiques, le ministère de la transition écologique persiste et signe et va interdire le chauffage au gaz et promouvoir notamment la biomasse. »
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Une allusion à l’une des mesures-phares du plan de rénovation énergétique présenté le 25 novembre par le gouvernement : l’interdiction du chauffage au gaz dans les maisons neuves dès l’été 2021 puis dans les logements collectifs neufs à partir de 2024. On estime que la pollution de l’air est à l’origine, chaque année, en France, de 48 000 à 62 000 décès prématurés.Par Stéphane Mandard
Source disponible au format PDF ici : MPBOIS
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