Photo d'Athanor, incinérateur de l'agglomération grenobloise. Depuis dix ans, de nombreuses études et recommandations de l’OMS et l’Unesco préconisent de ne plus construire d’incinérateurs en zone urbaine pour des raisons de santé publique.
PHOTO : ©Francois HENRY/REA
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Tribune

La lutte pour le climat ne doit pas être menée au détriment de la santé !

Collectif

Focalisé sur la réduction des émissions de CO2, la lutte contre la pollution conduit à une augmentation des autres polluants dans l'air. Un collectif de médecins, chercheurs et associations appelle à mettre fin à cette grave contradiction.

Jeudi 24 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ». Cette sanction met à nouveau en lumière les contradictions de l’Etat et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui, dans leur légitime volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (en particulier de CO2), continuent malheureusement de prendre des mesures conduisant à une augmentation des polluants dans l’air. Parmi eux, le dioxyde d’azote (NO2), mais aussi les particules fines, ultrafines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ainsi que les perturbateurs endocriniens. Une politique cohérente de lutte contre les émissions doit pourtant être présente sur les deux fronts : diminution du CO2 ET de tous ces polluants toxiques. Rappelons que la pollution atmosphérique, qui en Europe tue autant que le tabac, est responsable de 68 000 décès par an en France.

Or, la focalisation sur les seules émissions de CO2 a conduit les gouvernements successifs et l’Ademe à dégrader la qualité de l’air. La promotion des véhicules diesel pendant plus de 20 ans, via un système de bonus-malus, est en particulier une ineptie sanitaire. Ces véhicules sont en effet à l’origine d’importantes émissions des gaz toxiques (NO2, hydrocarbures aromatiques polycycliques) et de particules ultra-fines, aux effets délétères sur les systèmes respiratoires, cardio-vasculaires, neurologiques, ainsi que sur les fœtus.

L’hérésie du chauffage au bois

Mais on trouve bien d’autres aberrations. Par exemple, le ministère de la Transition écologique et l’Ademe (organisme sous contrôle du ministère de la Transition écologique et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) encouragent financièrement le chauffage au bois individuel. Ils incitent également les collectivités à installer des chaufferies collectives au bois, qui ne sont que d’énormes cheminées fortement émettrices de particules ultrafines, de NO2 et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes. Le chauffage au bois émet 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, quand les chauffages au gaz et à l’électricité n’en émettent pas du tout.

Le chauffage au bois émet 35 fois plus d’hydrocarbures cancérigènes que le fioul domestique

Ces HAP cancérigènes tels que le Benzo(a)pyrène sont tellement dangereux pour la santé que leur manipulation est désormais interdite en laboratoire ! Et pourtant, les principaux émetteurs de ces molécules tueuses sont le chauffage au bois, le diesel et l’incinération des déchets, tous les trois favorisés par nos gouvernements au détriment de la santé publique !

En effet, l’Ademe apporte également son soutien aux productions de chaleur par incinération, alors même qu’il s’agit d’une activité extrêmement polluante, génératrice de nombreuses molécules toxiques (HAP, dioxines bromées) majorant le risque de cancers et de troubles de la reproduction chez les riverains. Chose incroyable, on lit même dans un rapport de l’Ademe que l’exposition aux fumées d’incinérateur ne comporte pas de dangers pour les riverains ! Cela est totalement faux, et va à l’encontre de nombreuses études et des recommandations de l’OMS et l’Unesco qui, depuis plus de dix ans, préconisent de ne plus construire d’incinérateurs en zone urbaine. Rappelons, en outre, que la France bénéficie déjà du plus important parc d’incinérateurs par habitant en Europe et du deuxième au monde !

Nous souhaiterions donc à l’avenir que toutes les décisions destinées à diminuer les émissions de CO2 soient préalablement évaluées sous l’angle sanitaire, afin d’éviter des décisions qui menacent la santé et la vie de nos concitoyens. Il est urgent que le plan Climat devienne un plan Air-Santé-Climat pour que l’argument sanitaire soit pris en compte dans chaque décision. Pour cela, nous exigeons une implication du ministère de la Santé, qui devrait avoir la co-gestion des problèmes environnementaux afin qu’action sanitaire et action environnementale soient enfin mises en cohérence.

Dr Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg respire, Collectif Air-Santé-Climat

Dr Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat

Dr Florence Trebuchon, Collectif Air-Santé-Climat

Pr Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, Collectif Air-Santé-Climat

Dr Mallory Andriantavy-Guyon, Collectif Environnement Santé 74, Collectif Air-Santé-Climat

Dr Gilles Dixsaut, Collectif Air-Santé-Climat

Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, Collectif Air-Santé-Climat

Antoine Martin, Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB)

Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directeur de Recherche INSERM, Collectif Air Santé Climat

Commentaires (13)
Alain Lipietz 06/11/2019
Le refus de sortir du diesel ne fut pas du tout lié à la volonté de combattre le CO2 mais bel et bien de soutenir PSA . J'étais le rapporteur au Conseil d'analyse économique de Jospin sur l'égalisation des taxes sur le diesel avec celles sur l'essence , en 1999, Ce rapport a été combattu , visiblement sur ordre, par un socialiste, niant la périllosité du diesel et on m'a fait comprendre qu'il fallait respecter l'avantage compétitif de PSA. http://lipietz.net/Auto-le-mal-vient-de-plus-loin
Christophe 08/11/2019
On peut incriminer un constructeur automobile de défendre son outil de production et ce qui lui rapporte de l'argent mais il faut noter le fiasco des voitures électriques PSA produites chez Heuliez à Cerizay à partir de 1995. Mais là manifestement le plus gros problème est bien au niveau des politiques qui ont perduré dans la politique du tout-voiture qui est bien le problème principal pour la pollution et un problème principal pour le réchauffement climatique.
Christophe 08/11/2019
Je retiens deux choses de votre prose en lien : "Car un autre danger guettait l’automobile : la nature même de son produit, qui au fil des années apparaissait de plus en plus incompatible avec les contraintes écologiques globales et locales : effet de serre, encombrement et pollution des villes, sans compter les accidents." "vers des produits compatibles avec les contraintes écologiques [...] surtout le développement des véhicules de transport en commun."
Christian 04/11/2019
6. Les réseaux de chaleur au bois desservent beaucoup de logements sociaux. Et le chauffage au bois est souvent un moyen économique en milieu rural et péri-urbain. Or la précarité énergétique a un impact significatif sur la santé. 7. La tribune sous-entend qu'il serait préférable de se chauffer au gaz et à l'électricité, ignorant les dégats causés - mais invisibles car hors de nos frontières - par l'exploitation du gaz fossile et la production d'électricité nucléaire ou thermique-fossile.
Christian 04/11/2019
4. La politique déchets donne la priorité à la réduction, au réemploi, au recyclage, et les aides concernent la valorisation énergétique des déchets non recyclables. L'incinération de ces déchets n'est pas terrible, mais les alternatives non plus. Ou alors ce collectif aurait trouvé une meilleure solution ? 5. Les pollutions du chauffage au bois diminuent régulièrement. Ce qui est encouragé c'est le remplacement des vieux appareils par des appareils qui émettent 50 fois moins.
Christian 04/11/2019
1. Ce n'est pas le bonus-malus écologique qui a orienté le choix vers le Diesel, mais la fiscalité (qui ne relève pas des prérogatives de l'ADEME). 2. Le bonus-malus écologique n'a pas 20 ans, il est entré en vigueur en 2008. 3. Le bonus écologique ne s'applique plus aux véhicules Diesel depuis 2016, et pour le régime 2020, il exclue aussi les hybrides et ne bénéficie désormais qu'aux véhicules électrique ou hydrogène.
Christophe 06/11/2019
Les voitures élect. sont bcp plus lourdes que les therm. équ. A ce titre elles émettent plus de particules d'usure dont certaines ultrafines. Le lien sur "35 fois plus" dit : "Les HAP émis par le trafic routier sont issus de plusieurs sources distinctes : - l’usure des pneumatiques, - les émissions à l’échappement". Donc une vision globale serait de se pencher sur les particules et HAP issus de l'abrasion avant de fustiger le diesel et le bois.
Christophe 06/11/2019
Si ils le faisaient, je suis sûr qu'ils arriveraient à la conclusion que la seule solution est de réduire l’usage en s'attaquant au fléau qu'est l'autosolisme. Alors les éminents docteurs et professeurs, un peu de courage. Merci pour notre santé.
franco 04/11/2019
Quand la notabilité, par son statut social, veut prendre le dessus de la "vérité", on assiste à des manifestations d'une ignorance raffinée. Dire que l'électricité ne produit pas du tout de pollution est cacher la réalité des mines de charbon et toutes matières premières qui sont à l'origine de la production d'éoliennes et panneaux photovoltaïques. Décidemment ces gens ne voient pas l'air arriver pollué de partout.
Christophe 04/11/2019
Subsidiairement, il faudrait aussi qu’ils soient capables de répondre à la question suivante : quel cas est le plus adapté pour répondre au futur problème de santé publique qu’est le confort d’été. Quand ils seront capables de répondre à ce problème, ils seront crédibles à mes yeux. Par contre, je suis sûr d’un point l’ADEME est capable d’y répondre.
Christophe 04/11/2019
1- couple sans enfant citadin habitant un appartement rénové BBC avec une chaudière à granulés et utilisant les modes doux et TC pour leurs déplacements de la vie courante et utilisant une VP diesel Euro 6 diesel SCR pour leurs vacances et week-end tout au plus 12 fois dans l’année, 2- couple avec 2 enfants habitant en proche banlieue dans une maison neuve avec une PAC et utilisant 2 voitures électriques dont une à grande autonomie tous les jours ?
Christophe 04/11/2019
Absence totale de vision globale de la pollution et des émissions de GES. Par exemple j’aimerai bien que ses éminents docteurs et professeurs aient une vision globale par exemple en répondant à la question suivante : en terme de polluants mais aussi de CO2 quel foyer est le moins émetteur :
Philippe B 31/10/2019
Que d’approximations (pour ne pas dire plus…) : « conduisant à une augmentation des polluants dans l’air » : Non !, les pollutions de l’air en France diminuent depuis plusieurs décennies, ce sont les seuils qui sont changés ! « la pollution atmosphérique… responsable de 68 000 décès par an » : Non ! ce sont des décès prématurés et multicausaux (notamment tabac justement). etc... Aucune cause ne justifie de tordre les faits et la vérité.
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